Sous-armes...
« Il s'agit d'opter pour un obus dont les performances sont meilleures, avec d'évidents gains humanitaires. »
Un obus avec des gains humanitaires...
L'intrépide auteur de cette formule est un général israélien, Agay Yehezhel, commandant du corps des blindés.
Mardi dernier, le général expliquait qu'Israël allait abandonner des obus de fabrication américaine diffusant des milliers de fléchettes mortelles. Cet obus n'ayant, apparemment, que peu de considération pour l'humain, ce monstre donc allait être remisé, c'est-à-dire probablement revendu à une milice quelque part en Afrique, en Asie ou ailleurs (en matière d'armement, rien ne se perd, tout se revend), au profit d'un obus de conception israélienne répondant au doux nom d'obus à sous-munitions Apam.
De manière générale, et à l'intention des personnes peu au fait de l'actualité couleur kaki, l'arme à sous-munitions, ou encore bombe à sous-munitions, est un peu l'œuf Kinder de l'armement. De la même manière qu'il y a l'œuf en chocolat et dans l'œuf, la surprise, avec le BASM, il y a la bombe, et dans la bombe, une multitude de petites surprises à tendance mortifère ou estropiante.
Avant de décrypter les vertus de l'Apam, revenons un instant sur l'obus à fléchettes. Comme son nom l'indique, l'obus à fléchettes balance des fléchettes. Les fléchettes, dixit Amnesty International, « sont des projectiles métalliques de 4 cm de long, dotés d'une pointe acérée à l'avant et de quatre ailettes à l'arrière. Entre 5 000 et 8 000 fléchettes sont agencées dans des obus de 120 mm, généralement tirés depuis des tanks.
Les obus explosent en l'air, et la dispersion - de forme conique - des fléchettes se fait sur une surface d'environ 300 mètres de large et 100 mètres de long ».
Après ce réjouissant descriptif, il est précisé que l'obus à fléchettes est une « arme antipersonnel conçue pour pénétrer une végétation dense ».
On ne s'étonnera donc pas que l'obus à fléchettes ait été utilisé en 2006 au Liban-Sud, région connue pour sa végétation luxuriante, dense, verdoyante limite tropicale, surtout sous le soleil brûlant de l'été. Et, en janvier 2009, à Gaza, véritable jungle... urbaine.
« Ces fléchettes ne devraient jamais être utilisées dans des zones civiles construites. Depuis plusieurs années, l'armée israélienne y a régulièrement recours dans la bande de Gaza. Dans la plupart des cas, leur utilisation se solde par des morts ou des mutilations », conclut Amnesty.
Dit comme ça, l'obus à fléchettes a effectivement tout de la saloperie pur jus.
Qu'en est-il, dès lors, du remplaçant, de l'obus Apam, cet obus « aux gains humanitaires » ?
Pour commencer, l'Apam est fabriqué en Israël. Ce qui, du point de vue israélien du moins, est tout de même une qualité.
Pour continuer, l'Apam est un obus à sous-munitions. Oh surprise ! L'Apam, malgré ses « qualités humanitaires », ne serait donc qu'un cousin de l'abject obus à fléchettes ? Certes, mais, comme le soulignait notre général, l'Apam explose directement au-dessus de sa cible sur laquelle il lâche une grappe de petites bombinettes. Sa « zone létale est (donc) très réduite et ciblée ».
L'Apam serait tatillon dans la tuerie.
Respect... Pour un peu, on lui accorderait le statut d'ONG.
Dernier point, l'Apam est développé alors que la convention pour l'interdiction des armes à sous-munition doit entrer en vigueur le 1er août prochain. Une convention à laquelle n'adhère pas Israël. Une convention à laquelle n'adhèrent pas non plus les États-unis, la Russie, la Chine, l'Inde, le Pakistan et l'Iran.
Émilie SUEUR, "Le Billet" du 20/03/2010.
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